J’ai rencontré Thomas dans le cadre d’une rénovation
complète d’un studio sur l’Ile St Louis, son professionnalisme m’a bluffé et m’a
donné envie de vous faire découvrir son talent...
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Crédit Photo Anthony Lanneretonne
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Ayant grandi entre des esthètes férus d’Art contemporain et
des photographes de Mode, avez-vous l’impression que cela a eu pour conséquence
de vous orienter vers un métier créatif ?
Je pense oui ! Pour avoir
évolué dans un milieu ou l’art et l’architecture étaient très présents, j’ai dès
mon plus jeune âge voulu me diriger vers ces deux domaines. Je crois avoir
toujours été fasciné par la manière dont l’architecture peut influencer la
manière dont nous appréhendons une ville, une rue, une maison ou un
appartement. Notre ressenti et notre humeur varient énormément selon la manière
dont les espaces sont pensés. C’est l’une des raisons qui m’a poussé à être
architecte, l’influence et le rôle que l’on peut avoir sur la perception des
gens.
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Crédit Photo Anthony Lanneretonne
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Le Sud, la Méditerranée
Comment définiriez-vous cette influence revendiquée sur
votre sensibilité artistique ?
Vivre en bord de Mer ou d’Océan
n’est jamais anodin. Quand vous regardez les différentes cultures maritimes,
elles sont profondément influencées et marquées par cet élément si fort. Que ce
soit la cuisine, le rythme de vie, l’architecture, l’art…
Ainsi, grandir au bord de la
méditerranée, sur la côte d’azur, fut pour moi une véritable chance. Il y règne
un climat idyllique envié par le monde entier. La côte est découpée par une
lumière unique qui contraste sans cesse avec le bleu si reconnaissable de la
baie des anges. Cette mer est un tableau en mouvement qui ne cesse d’évoluer.
Le bleu, les bleus, de l’eau, le blanc calcaire des massifs, les ocres des
façades, l’ombre des pins… L’influence est également chromatique. Ce n’est pas
pour rien que les plus grands peintres se sont installés dans le sud.
C’est aussi une région
montagneuse par la présence des Alpes si proches. Une terre de contraste donc,
entre mer et montagnes, ombres et lumières, et c’est ce contraste que j’aime
exploiter dans mon travail.
J’aime également penser mes
plans ou le mobilier que je dessine comme un tout, à la manière de la
conception navale. Les plus beaux bateaux du monde croisent en méditerranée,
ils m’ont toujours fasciné. La conception d’un bateau demande de l’ingéniosité
et de la précision notamment dans l’optimisation des surfaces et des
rangements. C’est ce qui m’intéresse et que j’essai de retranscrire dans mes
projets.
Crédit Photo Anthony Lanneretonne
Vocation/ Formation
Y a – t-il eu un élément déclencheur pour vous lancer dans
le domaine de l’architecture?
Quel est votre parcours académique ?
Vous semblerait-il judicieux d’ouvrir une autre discipline
aux études d’architecture ? Comme la peinture, la photo ?
Je n’ai pas le souvenir d’un
élément marquant… Comme je l’évoquais plus tôt, cela s’est fait progressivement
et ça a toujours été une évidence. Je sais que pour un collégien ou un lycéen
l’orientation est parfois un parcours du combattant. Je m’estime chanceux de ne
jamais avoir eu ce problème. Dès le début de mes années collège, je connaissais
le parcours d’études supérieures qui m’intéressait. Après un BAC STI AA (Arts
Appliquées), je suis parti à Marseille pour un BTS Design d’espace puis un DSAA
(Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués).
Concernant d’autres disciplines,
j’ai toujours considéré que l’architecture réunissait l’ensemble des Arts
Appliqués. Il faut savoir être photographe dans la conception des espaces,
peintre dans le choix et l’application des couleurs, sculpteur dans la gestion
des volumes et des formes… Cela dépend des formations et des enseignants, mais
peu importe ce que l’on fait comme études artistiques, il faut pouvoir rester
ouvert aux autres disciplines. L’art, la photo, l’architecture, le design
forment un tout. Ils ne cessent de s’entremêler et de s’influencer les uns les
autres.
Personnellement j’ai toujours eu
une passion pour la photo que j’exerce à titre personnel.
Crédit Photo Anthony Lanneretonne
Challenge
A travers ce reportage photo : transformation totale
d’un studio de 17m² vous avez démontré que vous pouviez relever le challenge de
l’espace : less in more, et des impératifs techniques : quel a été le
plus satisfaisant ?
C’est une bonne question… Le
plus satisfaisant dans ce métier, c’est de voir ses plans devenir réalité lors
d’un chantier. Loin de m’associer à Mies Van Der Rohe, ça a sans doute été de
réussir à intégrer les fonctions indispensables d’un appartement dans une si
petite surface.
Pouvoir, dans 17m2, avoir un
toilette séparé, une cuisine, un table à manger, un dressing, une mini
buanderie, une grande douche, un coin salle de bain et un vrai lit fut un
véritable défi.
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Crédit Photo Anthony Lanneretonne
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Méthode/ Chantier
Du devis au suivi de chantier, êtes-vous obsessionnel de la
perfection ou savez-vous déléguer ?
Je dois avouer être plutôt
obsessionnel et avoir du mal à déléguer. Mais il faut savoir le faire car un
projet n’est pas l’œuvre d’un seul homme. C’est un travail d’équipe entre
l’architecte, le client et l’artisan. Pour atteindre le résultat que j’attends,
je multiplie les plans de détails afin d’être le plus précis dans mes attentes
et de minimiser la marge d’erreur. Savoir déléguer est donc essentiel. Pour
cela il faut pouvoir s’appuyer sur la confiance de ses équipes.
Un projet commence d’abord par
un devis et le respect d’un budget. S’adapter à un budget est essentiel tant
dans le résultat final que dans la relation client. Suivre une enveloppe
budgétaire est un moyen de diriger ses choix créatifs, le choix de ses
matériaux… D’ailleurs, proposer ses premières idées créatives et savoir écouter
les retours ou le ressenti d’un client est crucial pour la suite du projet.
Écouter c’est comprendre. Comprendre les envies, les besoins et donc être
pertinent et juste dans sa réponse d’architecte. Je trouve qu’il y une grande
part de sociologie et de rapports humains dans l’architecture. Ca n’est pas
seulement une question de formes et de couleurs. On entre souvent dans
l’intimité et la vie des gens pour leur apporter des solutions et leur proposer
une manière de vivre. Mais tout passe par l’écoute et l’échange. On dessine
avant tout pour les autres et non pas pour satisfaire son égo créatif. La phase
de suivi de chantier est une autre manière de concevoir les rapports humains.
Car un chantier est souvent source de stress. Il y a des imprévus, des
découvertes auxquelles il faut faire face et rebondir pour trouver une solution
à tout problème. Il faut donc savoir rassurer, conseiller. Un projet réussi est
un projet qui répond au besoin et aux envies d’un client.
Un autre point très important,
c’est de savoir proposer des idées nouvelles. Trop souvent, en visitant
différents sites qui présentent des projets d’architecture, on constate une
uniformité dans les couleurs, les matériaux, le mobilier… Bien sur qu’il y a
des tendances, mais cela ne doit pas devenir un automatisme chez les
architectes qui dupliquent ce qui existe déjà. Cela me désole et j’essai dans
mes projets de prendre du recul, de me différencier en osant des choses peu
communes. Je n’aime pas reproduire un schéma, faire du copier coller. Là n’est
pas l’intérêt de notre métier. Nous sommes là pour faire évoluer les choses,
trouver de nouvelles solutions et faire évoluer la conception des espaces quels
qu’ils soient. Ce n’est que comme ça que l’on peut se réinventer et développer son
travail. C’est également comme ça que l’on peut séduire ses clients et
comprendre les envies de son interlocuteur. Ce qui est intéressant c’est de
pouvoir se remettre en question à chaque nouveau chantier, challenger ses idées
et savoir « prendre des risques ».
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Crédit Photo Anthony Lanneretonne
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Ambition
Quelle rénovation vous tenterait le plus : hôtel
particulier, retail ou villa en bord de mer ?
Le plus stimulant pour vous au cours d’un projet ?
Comment conciliez vous votre empreinte personnelle et
l’unicité de chaque lieu investi ?
Pour en revenir à l’influence
méditerranéenne, le projet de mes rêves se trouve sans doute en bord mer. Une
villa isolée dans une calanque inaccessible de catalogne par exemple. Cachée
dans les roches, abritée par des pins, un ponton avec un hors bord amarré… Sur
ce modèle, la villa E1027 de Eileen Gray est pour moi la référence. D’un point
de vue commercial (retail), un projet qui m’a toujours inspiré serai une plage.
J’adorerai pouvoir dessiner une structure démontable, qui se fond dans le décor pour proposer un
accès à la mer et un restaurant ouvert sur l’horizon.
Il y a différentes phases plus
ou moins stimulantes. Celle des premiers croquis est sans doute la plus
grisante. Sous la pointe du crayon se dessinent les premières lignes du projet.
Le chantier l’est tout autant car il permet de passer du concept à la réalité.
C’est aussi une phase importante car il faut savoir convertir une idée en une
réalité technique et budgétaire.
L’unicité du lieu doit être le
point de départ. On ne peut pas arriver avec ses idées sans tenir compte du
contexte. Il peut être divers : géographique, urbain, époque, histoire,
ancien propriétaire… Il faut pouvoir l’identifier et jauger son niveau
d’importance dans le projet. Parfois il n’est pas intéressant mais il y a
toujours quelque chose qui peut l’être et devenir le point de départ ou la
contrainte. J’essai de faire en sorte que ce soit un point de départ et une
inspiration. Cela permet d’ancrer le projet dans un contexte et une histoire qui
apporte de la richesse à l’ensemble.
Mais encore une fois, je le
disais plus tôt, c’est l’écoute et le dialogue qui doivent être au centre du
projet ! Il faut savoir s’effacer derrière un projet pour qu’un client
puisse se l’approprier et s’y projeter. S’effacer oui, mais j’aime pouvoir apporter
dans chacun de mes projets une touche personnelle qui « signe » mon
travail. Je n’aime pas considérer l’architecte comme un exécutant au service de
ses clients mais plutôt comme un conseiller force de proposition.
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Crédit Photo Anthony Lanneretonne |
Inspiration
Quel architecte d’intérieur, ou
architecte tout court vous inspire le plus ? Et pour quelle raison
Le Corbusier a toujours été un
fil conducteur, dans sa manière de placer l’homme et le corps au centre de sa
conception notamment avec le modulor. Pour citer une agence beaucoup moins commune,
je suis très intéressé par le travail de Cigüe. Les matériaux et leurs
caractéristiques brutes sont au cœur de leur approche. J’aime leur neutralité
qui est justement portée par les matériaux eux mêmes. Ils interviennent sur
différentes typologies de projets que ce soit le retail, l’habitat, le
tertiaire…
Réalisation
De quelle réalisation êtes-vous le
plus fier ?
J’ai travaillé 5 ans dans une agence
d’envergure nationale ce qui m’a permit d’apprendre, de développer mon réseau
et de travailler sur tout type de projets. Aujourd’hui, je me consacre
pleinement à ma propre agence. Depuis tout jeune, j’ai voulu mener mes projets
et construire une agence. L’architecture est pour moi une véritable passion. Je
ne vois pas de frontière entre ma vie et mon travail. C’est un tout qui
m’habite sans interruption. On peut trouver une idée au détour d’une ballade,
lors d’un voyage. Je suis pleinement engagé dans mes projets, ils occupent tout
mon esprit. Lorsque que je dessine, je perds parfois la notion de temps,
absorbé par ce que je fais, et j’adore ça ! Je suis très fier du projet
pour lequel nous nous rencontrons aujourd’hui, ce studio de 17m2 sur l’ile
saint louis. Je pense qu’il sera important pour mes futures réalisations.
Projet
Quel est votre prochain
projet ?
Actuellement, je travail sur
plusieurs projets d’appartement. Le premier est un grand appartement dans le
VIIIème arrondissement. Il s’agit du dernier étage, plateau entier de 120m2
d’un immeuble Haussmannien. Le second, place Monge, fait lui 35m2 et est
également au dernier étage. Enfin, aux Batignolles, je démarre la
restructuration complète d’un appartement de 80m2. Je suis également en train
de définir le concept architectural d’une jeune créatrice de bijoux. Enfin, à
Marseille, je rénove un loft en plein centre ville. Il s’agit de l’appartement
d’un photographe qui est aussi sont lieu de vie. Les proportions sont immenses.
400m2 au sol, 13m de hauteur sous plafond, 2 mezzanines. J’aime passer d’un
projet à un autre. D’un studio de 17m2 à un loft de 400m2. Finalement, je pense
qu’entre la réhabilitation d’une immense usine désaffectée et un petit studio,
ma vision reste la même, s’adapter au lieu dans le but de le rendre le plus
agréable et logique possible.
Photos : Antony Lanneretonne Photography
Site Anthony Lanneretonne
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Interview : nathalie pour SEARCHMYHOMEINPARIS©